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Objectif négatif
9 décembre 2020

Comme

Un matin comme les autres matins. Un lapin comme les autres lapins. Un chagrin comme les autres chagrins. Un lendemain comme les autres lendemains. Un chemin comme les autres chemins. Une fin comme les autres fins. Un défunt comme les autres défunts. Tout semblait pareil. Rien n'avait changé. J'hésitais à me lever. A quoi bon? Je traînais, je repoussais, je différais, j'attendais. Je faisais semblant de rien, comme si je n'étais pas là. Je paressais l'air de rien. J'avais envie de passer directement à un autre lendemain. Comme ça, pour voir. Je n'avais rien à perdre. Peut-être un peu de temps. Entre hier et demain, on constaterait un vide. Vingt quatre heures de rien,  de vide, qui s'en apercevrait? Et puis ce temps m'appartenait. J'en disposais comme bon me semblait. Je pourrais peut-être le récupérer à la fin. J'ai fermé les yeux et j'ai attendu. Comme ça je ne verrai pas le temps passer. Je m'endormirai peut-être. Le sommeil de la veille. Sans bouger je laissai mon corps me quitter. Je lui rendais sa liberté. Libre à lui d'aller voir ailleurs, de prolonger l'habitude. Je ne sais s'il hésitait ou s'il ne voulait faire qu'un avec moi mais il ne bougea pas. Je fis avec. En douceur, à force de patience, je finis par l'oublier. De la tête aux pieds, il devint un engourdissement. J'étais seul. Peut-être enfin. Une façon de me tourner vers moi. Quand se préoccupe-t-on de ce que l'on est ? Les journées sont encombrées de préoccupations, du présent, de l'avenir, de regrets. Et la nuit, nous fermons les yeux pour ne pas voir l'obscurité. Vient le dernier jour sans que l'on sache qui l'on est. Malgré tout, venant de la fenêtre, la lumière n'était qu'atténuée par mes paupières. Elle colorait les pensées et les images que m'envoyait mon cerveau. Je devinais lorsqu'un nuage passait devant le soleil. La chaleur qui parcourait ma peau se faisait plus douce. Mon corps se rappelait à moi. Il demeurait, encombrant, vieillissant, glissant vers la décrépitude. Nous allions disparaître. Disparaître ensemble. Lui et moi. Dans la lumière du matin. Dans le bruit du monde. Dans les yeux de ceux qui nous aimaient. Ceux qui nous aimaient... Peut-être nous aimaient-ils encore. Cet amour traversé de douleurs, de frayeur. Cet amour que l'on ne peut plus étreindre, plus entendre, plus caresser. Cet amour qui se concentre là, quelque part, que l'on est seul à pouvoir atteindre. Dans cette absence de mouvement, je pouvais plonger en son cœur. Mon corps, laissé à l'abandon, m'offrait des ondes réconfortantes. Je lui pardonnais l'encombrement qu'il était à présent. S'il ne servait pas à grand chose, au moins restait-il avec moi. J'avais fini par apprécié son inutilité en tant que corps à l'origine paré de toutes les fonctions qui s'étaient délitées au fil des années. Mais ce matin là, nous nous sommes réconciliés. Nous ne ferions plus qu'un. C'était décidé, nous n'allions pas nous lever. Nous allions attendre. Attendre d'être invité à passer à autre chose, à aller voir ce qui se passait ailleurs, sans certitude.
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