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Objectif négatif
27 novembre 2020

Le bout du tunnel

Avant les premiers cris le crissement fit se tourner les têtes. Au bord du quai il avait soudain disparu.
Il tourna le bouton. La voix du journaliste crachotait. Cela faisait plusieurs mois qu'il songeait à changer de radio. Son père lui avait offert pour fêter sa promotion. Blanche aux angles arrondis, elle possédait deux boutons avec, comme des pupilles, un rivet doré en leur centre. Un bouton pour le son et l'autre pour les stations. Il n'en changeait jamais. Le bouton  de droite dissimulait une molette qui permettait de sélectionner ondes longues ou ondes courtes.  Posée sur le buffet et reliée au secteur, elle aurait pu ressembler à la tête d'un robot. Ceux dessinés dans les publications qu'enfant il achetait chez le marchand de journaux près de la gare. De la taille d'un grand carnet, ils relataient les aventures de héros de toutes sortes. Il se souvenait notamment d'aventuriers de l'espace et aussi d'un homme, sauvage de la jungle. Un Tarzan de série B. Les muscles saillants, de longs cheveux noirs, il était vêtu d'une peau de félin.
Les coudes sur la toile cirée parsemée de brûlures de cigarettes qui recouvraiten la table de la cuisine, il regardait son bol. Au gré des passages du métro qu'à travers les rideaux il pouvait voir, la surface du café s'agitait. Avec les années, il avait fini par s'habituer au bruit. Les tremblement des murs et du plancher le gênaient d'avantage. Surtout le soir aux heures de pointe. Il avait remarqué quelques fissures sur la façade de l'immeuble. Elles semblaient superficielles mais ne pouvaient que s'agrandir. Ce qui pourrait l'inciter à déménager. Il l'envisageait parfois. Au simple fait d'y penser il ressentait une immense lassitude. Il se voyait plutôt partir en laissant tout en plan et la clef dans la serrure. Il lui arrivait de faire comme si. A la nuit tombée, il sortait. Il parcourait les rues, regardait les devantures. Il pouvait entrer dans un bar. Jamais le même. Il se gardait d'être un habitué. Généralement, il commandait un café. En retrait, il appréciait l'agitation. Les clients qui entraient, qui sortaient. Les serveurs qui passaient d'une table à l'autre avec leur plateau. Les habitués accoudés au bar hélant le patron pour un autre verre, une autre tournée, s'interpelaient entre deux gorgées. Les couples qui se prenaient la main. Ceux qui, accompagnés de leur retard, du regard cherchaient un visage impatient.
Les premiers temps, suivant ses pas, il se perdait facilement. Après de vaines tentatives pour retrouver son chemin, s'il n'était pas trop tard, il prenait le métro non sans avoir étudié le plan avec les différentes lignes. Il trouvait le maillage des bus trop compliqué. Il n'aimait pas se renseigner auprès des chauffeurs. Maintenant, il aurait presque cherché à s'égarer. Comme ce soir là. D'un trottoir à l'autre. D'une rue à l'autre. D'une certaine façon, il retenait les itinéraires malgré lui. La douceur de l'air caressait son visage. Avec l'heure, il avançait. Il lui semblait ne jamais s'être autant éloigné de l'appartement. Il n'avait plus envie de rentrer. Il ne voulait plus entendre les marches craquer. Il ne voulait plus s'y reprendre à plusieurs fois pour tourner la clé. Il ne voulait plus voir les sourires encadrés. Il aurait aimé être ailleurs. Il descendit les marches et s'engagea dans le couloir qui menait aux quais.
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