Crotte alors

Quand je suis entré, je l'ai vu. L'allure d'un habitué. De ceux que l'on appelle par son prénom précédé d'un Monsieur qui, avec le temps, cède la place à l'appellation le père. Il peut s'appeler le père Armand. Personne ne doit connaitre précisément son âge. Mais quelques signes extérieurs le placent dans la catégorie des vieux. Il était de dos. Des cheveux blancs et gris se livraient bataille. Descendant vers ses joues, ils finissaient par céder place à une barbe livrée à elle-même. Sous une veste bleue dont le col s'effilochait, son dos se terminait dans une courbe dissimulée par quelques boucles.

M'approchant de lui par la gauche, je vis qu'il lisait le Canard Enchaîné. Sur la table devant lui, un verre de vin blanc.

J'allai m'assoir un peu plus loin. Légèrement décalé et face à lui. Un rapide coup d’œil vers son visage confirma son âge. Un certain âge. Avancer un âge aurait été incertain. Après avoir commandé un café que le serveur s'obstinait à qualifier de petit, je m'abandonnai à l'observation du père Armand. Il semblait lire tous les articles les uns après les autres. Ses yeux restaient rivés sur les caractères. Tout à sa lecture, d'un doigt, il se gratta le nez. Son index finit par pénétrer sa narine gauche. Après en avoir visité les parois, il l'en retira. Délaissant son journal, il observa sa phalange que les secrétions extraites faisaient luire. Je ne parvins pas à déterminer s'il était satisfait du résultat de sa quête. Il finit par introduire le doigt dans sa bouche, enserrant la base avec ses lèvres. Ie léchant de bas en haut, il le ressortit et à nouveau l'observa. Manifestement quelque chose le chiffonnait. Une partie de sécrétions était restées collées contre l'ongle. Il coinça ce dernier entre deux incisives et procéda au raclement. Toute trace semblait avoir disparu. Satisfait, il envoya son indexe pour une exploration de sa narine droite.