Un soir au cinéma

Quand j'étais petit ou peut-être juste avant, j'étais tombé par hasard sur un livre qui relatait l'histoire des hittites. Hourra, aurais-je pu m'exclamer, mais mon humour était alors aussi développé que mon appendice extérieur. Je ne sais pas pourquoi je vous raconte ça.

C'est ainsi qu'hier soir, sur mes gardes, je traversai le hall tout en regardant Annie avec méfiance. Alors que je m'apprêtai à descendre les quelques marches précédant le couloir qui devait me mener jusqu'à la salle 6, je vis sur ma droite débouler une armada de vieux, lâchés comme un troupeau de gnous clopinant à l'annonce les informant que la salle en question était libre. Je me mis sur le côté afin de ne pas être écrasé. Comme à chaque fois avec le vieux, cela commença dans la précipitation et se termina dans une lenteur exaspérante.

J'étais là pour voir La Cordillère des songes. Via la Cordillère, qui occupe 80% du territoire chilien, et des témoignages, Patricio Guzman aborde principalement le coup d'état de septembre 1973 qui voit la mort de Salvador Allende et l'instauration de la dictature dirigé par Pinochet (en un seul mot) qui se prononce pi no tchette, ce qui, vous en conviendrez, fait moins sérieux.

Ce film nous montre, sans dogmatisme ni sabir post-révolutionnaire, comment, trente ans après sa disparition, la dictature militaire continue d'infuser dans la société chilienne. Cette dernière, qui se veut démocratique, a conservé l'organisation sociale, économique et juridique mise en place par les militaires. Sont au pouvoir aujourd'hui ceux qui ont bénéficié des largesses de la junte. Les putschistes furent en quelque sorte les marionnettes des sept familles les plus riches et influentes du Chili, dont l'actuel président fait partie. Les cravates ont remplacé les képis.

La contestation actuelle annonce peut-être un bouleversement.

Vous pourrez apprécier la beauté et la poésie de la Cordillère.

A vous de voir.