Fumeux

Comme le disait le regretté Bashung, "Il faut savoir dire stop". Ou comme le disait le regretté Lang, Jack et non George, il faut raison garder. Qu'en est-il au juste? Jeudi dernier, dans la quiétude de la nuit d'un automne naissant, quelques explosions se sont immiscées dans votre paisible sommeil. Après avoir vérifié qu'il ne s'agissait pas de quelque évacuation gazière de votre conjoint encore blotti dans le plus profond des sommeils, mu par la curiosité teintée d'une légère inquiétude, vous avez quitté la couche légitime. Vous vous êtes approché de la fenêtre pour constater qu'un panache de fumée noire s'élevait dans un ciel aux ombres nuageuses et incertaines. L'esprit baignant dans un pragmatisme tant pessimiste que catastrophiste, cette vision vespérale ne vous a inspiré que la crainte et l'incrédulité, bientôt remplacées par la colère et le ressentiment. Alors quoi?

Alors, tout à vos idées reçues sur la chimie et autres activités humaines, vous n'avez pas su voir dans ce panache l'expression de l'art industriel, la créativité des chimistes, la beauté des volutes aux teintes sans cesse renouvelées s'élevant dans un ciel tel un décor mettant en valeur les mouvantes nuances de la sensibilité artistique ouvrière. Dans ce panache, vous n'avez pas su voir l'hommage fait à Soulage. Encore eut-il fallu que vous osiez laisser libre cours à votre sensibilité, à votre imagination engluée dans un marécage d'inhibitions. La subtilité créatrice demande un peu d'effort pour être comprise et appréciée. Même au débotté, ne passons pas à côté de la beauté.