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Objectif négatif
8 juillet 2020

Donc

- Donc...
Nous étions assis l'un en face de l'autre. Un bureau nous séparait. Il regardait ses deux doigts sauter d'une touche à l'autre. Jetait  un œil à l'écran. C'est ce "donc" qui a donné naissance à mon exaspération. Jusque là, j'étais... Je ne saurais pas dire ce que j'étais. Peut-être rien. Ou personne. C'est ça, je n'étais pas loin d'être personne. Il me posait des questions. Je répondais. Je ne répondais pas. On appelle ça la confusion.
-Donc, si j'ai bien compris...
J'ai choisi exaspération mais c'était peut-être autre chose. Un autre mot. Ou aucun mot. Les mots sont de petites, de minuscules choses fragiles. Parfois ambigus. Ils ne sont pas avares de nuances. Ce sont d'autres couleurs. Un même mot peut être compris, interprété différemment. Il sont en équilibre sur un fil. Prêts à tomber. Prêts à vous briser, prêts à vous trahir. Je pleurais. Je reniflais. N'était-ce pas suffisant. Largement suffisant. Que pouvait-il avoir compris? Y avait-il quelque chose à comprendre? Il avait besoin de mots sur son écran. Le silence et l'oubli.
-Donc, si j'ai bien compris, vous étiez seule...
J'ai envie d'être seule. Loin de tout. Loin de lui. Loin de moi. Loin de ce corps. C'est ça qu'ils veulent? Je leur laisse, je leur abandonne. Qu'ils en fassent ce qu'ils veulent. De toute façon, si j'ai bien compris, il leur appartient. Mais qu'ils me laissent tranquille. Me taire. Me terrer. Plus un mot. Je ferme les yeux. Des bruits de pas. Des voix. Des portes qui s'ouvrent et se ferment. M'échapper. Il me regarde. Dans ses yeux je lis "Alors?". Je dois témoigner. Témoigner de quoi? De ma souffrance? De mon désespoir? De ma faiblesse? De mon anéantissement?
-Donc, si j'ai bien compris, vous étiez seule dans la rue alors que...
Je sens qu'il veut me dire quelque chose mais qu'il préférerait que ce soit moi qui le dise. Oui, j'étais seule. J'allais te rejoindre. Tu m'avais laissé un mot. Qui brillait sur la porte. Écrit avec mon vernis à ongle. Rouge. Comme tes lèvres. Comme ton amour. "Mon Amour 21h où tu veux". Tu aimes m'écrire. J'aime te lire. Parfois, un roman. Parfois, un mot. Notre vie dans un mot. Un seul. Toi, moi. A l'abri dans l'immensité d'un mot. Oui, j'étais seule et j'allais te rejoindre.
-Donc, si j'ai bien compris, vous étiez seule dans la rue alors qu'il était près de 21h et...
Tu m'aurais pris dans tes bras. Tu m'aurais serrée fort. Tu me serres toujours fort. Pour que nos cœurs se confondent. Suit un silence. Nous évitons les mots. Dans l'instant nous nous aventurons. Tu m'aurais embrassée. De ton regard. De tes lèvres. De ton corps. De ton désir. Je t'aurais souri. J'aime te sourire. Pour tout te dire. Pour t'apaiser. Pour que tu oublies. Pour que tu sois là, tout entier, avec moi, seulement moi. Je veux que tu sois à moi. Rien qu'à moi. 
-Donc, si j'ai bien compris, vous étiez seule dans la rue alors qu'il était près de 21h et qu'il faisait nuit.
Ce qu'il faisait. Ce que je faisais. Je marchais vers toi. Je pensais à toi. J'avais l'impression de déjà te voir. Je retardais mon impatience. Nous avions notre temps. Je savais que tu m'attendais. Comme souvent, en rêvassant. Parti ailleurs. Peut-être à ma rencontre. Je t'aurais vu par la vitre du café. J'aime t'observer. A ton insu. Je sais que quelque chose de toi m'échappe. Ce quelque chose que tu ne partages pas, qui nous rend éphémères. Ce quelque chose que tu devineras en me serrant fort dans tes bras Qui peut-être nous éloignera.
-C'est bien ça?
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