Lunette (2)

Donc nous sommes éloignés de notre environnement familier. Assez longtemps pour être dépaysés mais pas assez longtemps pour se sentir comme chez soi, ni pour se créer de nouvelles habitudes. Et là chacun y va à nouveau. D'aucuns ont besoin de plusieurs semaines pour bien dormir dans un nouveau lit. Alors je te dis pas, deux jours c'est l'insomnie assurée. D'aucuns, mysophobes invétérés et autres amatophobes, lavent toute la vaisselle et passent l'aspirateur dans le moindre recoin. Et d'un seul coup, alors que personne ne s'y attend et que rien ne le laisse présager, nous atteignons le point godwin de l'intimité, ce moment où il est impossible d'aller plus loin, ce moment qui provoque soit le rire sonore et tonitruant, soit la gêne qu'illustrent les regards fuyants et les tentatives bredouillantes d'aborder un autre sujet. Quelqu'un, allez savoir qui, aborde alors de la façon la plus légère qui soit, le soulagement. Non celui de se retrouver chez soi après 48 heures d'absence mais , les deux fesses bien écartées, aidé en cela par la gravité, celui de pouvoir, après 24 heures de rétention, enfin relâcher les sphincters, ce soulagement qui pare notre visage de ce léger sourire de contentement et ce en toute sécurité sachant qu'aucun étranger à l'hygiène douteuse n'est jamais venu poser son séant en ce lieu. Et de préciser qu'ils sont plus nombreux qu'on ne le croit ceux qui, loin de leur lunette habituelle, sont contraints de choisir entre l'apopathodiaphulatophobie et l'apopathophobie. Tu reprendras bien quelques cacahuètes.