Un soir au théâtre (ce texte est susceptible de choquer les personnes non averties. Je vous aurais avertis)

Hier soir ou presque. L'autre jour, devant toutes ces chemises froissées, je me repassais les étapes importantes de ma vie sexuelles. Ce n'est pas un exercice habituel. D'autant que je ne suis pas fier de tout. J'avais décidé d'aborder le sujet sous l'angle de la première fois. J'ai cherché par quelle première fois commencer. Je me suis dit que je pouvais démarrer par la première fois où j'ai vu ma bite. Et là, pas moyen de m'en souvenir. Ce dont je suis certain, c'est que je ne suis pas le premier à l'avoir vue mais j'ai renoncé à faire témoigner la sage-femme. Ensuite, j'ai voulu enchaîner avec la première masturbation. Mais au lieu de voir quelques images, j'ai entendu une voix me disant vas-tu lâcher ça, c'est pas propre. Je me suis senti rougir. Le rouge de la honte.

Donc, hier soir ou presque, persistant, je me suis retrouvé à la Foudre où se jouait L'éveil du printemps d'après Frank Wedekind (oui, moi non plus). Au premier rang. De toute ma vie, je n'ai jamais été aussi près d'une scène. C'était sûr, je n'allais rien louper. Les paroles, les mimiques, les regards, les souffles, les corps. Pour tout vous dire, je n'avais aucune idée de ce que j'allais voir. Bon, je ne vais pas tourner autour de la bite (je vous ai prévenus) au début juste après la fin, je n'ai pas su trop quoi en penser, si tant est qu'il faille toujours penser quelque chose à propos de ce que j'ai vu quand bien même j'aime bien penser. J'étais à deux doigts (je ne sais pas si cette expression est bien judicieuse) de me dire décidément. Mais je me suis dis pas de précipitation mon garçon, garde toi du jugement péremptoire et définitif. J'ai donc monté des marches avant d'en descendre d'autres tout en me repassant quelques scènes. A n'en pas douter, j'avais regardé et le doigt et la Lune. J'avais assisté par certains côtés à une performance, plusieurs acteurs se donnant corps et âmes et nous donnant à les voir. Donc, après avoir descendu la dernière marche, je me mêlai aux spectateurs, m'approchant et écoutant ceux possesseurs d'une solide culture théâtrale et susceptibles de m'éclairer. Je les écoutai donc, sentant en moi refluer cette tendance à juger à l'aune de mon inculture. C'est ainsi qu'en les écoutant avec cette soif d'apprendre qui me caractérise, je finis par découvrir que j'avais vu une très bonne pièce. Ce qui fait que je ne vais pas tourner autour du ticket de métro en disant que j'ai plutôt aimé cette pièce qui mêle l'humour, la stupeur, la peur, les affres qui nous ont parcourus et continuent de nous parcourir. Sur une scène, tout peut s'exprimer, se montrer non sans la pudeur de l'âme. Bon bah voilà, je n'en ai pas dit grand chose mais comment rendre compte d'un corps à corps?