Un soir au cinéma

On parle toujours de l'avant, sans toujours y aller, et de l'après. Avant et après la chute du mur, pour un qui tombe dix sont construits, avant et après l'invention de la roue, avant et l'hypothétique après un régime, l'amour avant et après la grossesse (j'ai oublié), l'amour avant et après une opération de la prostate (pas encore eu l'occasion de comparer), avant et après impôt. Mais on ne parle jamais de ce qu'il y a entre les deux. Ce qui se passe après l'avant et avant l'après. L'entre deux explique pourtant bien des choses. C'est ce que je me disais l'autre soir avant de boire un dernier verre.

C'est ainsi qu'avant de retrouver Annie dans le hall, je passais la porte d'un pas troublé qui peu après me mènerait salle 4 dans laquelle j'allais voir Tesnota. Je ne savais rien de ce film. Je n'avais pas vu de bande annonce. Il y a peu, je vous entretenais à propos des grumeaux. Et bien ce film est un mixeur dans lequel on aurait mis non seulement la pâte à crêpes mais également deux ou trois doigts sans prendre la peine de remettre le couvercle. Je ne vais pas tourner autour de la décrépitude, j'ai beaucoup aimé. Je ne vais pas vous raconter cette histoire qui se déroule dans un entre deux. Entre l'écroulement de l'empire soviétique et je ne sais quoi. Cet entre deux où les certitudes se lézardent, où l'on finit par abandonner ses croyances, où l'on pourrait se laisser entraîner dans un flot de désespoirs. L'héroïne, jeune femme, manie le mixeur avec dextérité. Elle saccage, piétine, lacère, démembre une communauté dont la solidarité se révèle n'être qu'une illusion dans une société sans âme guidée par la violence et l'appât du gain. Avec courage et amour, elle refuse les conservatismes, l'asservissement social et ce déterminisme qui propose un monde figé dans la tradition. Elle entraîne sa famille sur la route qui mène ailleurs.