Un soir au cinéma

En règle générale, j'aime les pêches à la peau douce. Toujours en règle générale, j'aime tout dans la pêche. La peau, la chair et le noyau. Je suis certain que c'est le jus d'une pêche qui a coulé dans la gorge d'Êve et fait briller ses lèvres. Pour autant, attendant Annie dans le hall, ce n'est pas à la pêche que je pensais. Même si... Je me souvenais des amours ancillaires que venaient tempérer la fraîcheur des nuits australes lorsqu'un froissement suffisait pour faire surgir l'émoi. Je me souvenais de ces jours d'été qui s'évanouissaient dans la nuit stridulante. Je souvenais de ces fins de jours comme autant de conclusions du néant.

Et c'est ainsi que je me retrouve salle 3 pour regarder Call me by your name. Repoussant 2h15 plus tard la porte de sortie, je me demande ce qu'il aurait fallu pour que j'aime ce film. Car je ne vais pas tourner autour de la pêche, ce film m'a laissé sur ma faim. Il aurait d'abord fallu qu'il soit moins long pour éviter de s'étirer comme un jour d'ennui. Le réalisateur nous fait traverser l'été et le début de l'hiver. Je lui suis reconnaissant de l'ellipse automnale.  Ensuite, il aurait fallu que ce film ne soit pas un énième film d'été d'initiation d'un jeune garçon soumis aux affres du désir. Il aurait de plus fallu qu'il nous épargne ces parents si bienveillants à la morale libérale nous imposant leurs souverains poncifs sur la liberté des mœurs et le libre-arbitre le tout enrobé d'une érudition ostentatoire. Il aurait fallu que me soient aussi épargnés tous ces fruits métaphoriques qui finissent par composer une salade indigeste dans laquelle flotte le héros qui finit par renoncer à l'abricot pour pouvoir sonder les profondeurs de la pêche. Ceci dit, ce film nous a préservé d'un étalage de sensualité humide en adoptant un point de vue pudique sans pour autant occulter le plaisir des enlacements. J'ajouterais platement que les acteurs sont bons, que malgré tout, certaines scènes sont esthétiquement touchantes et que ce film vaut surtout pour le dernier plan dont je ne vous révèlerai pas la teneur.  

Voilà, quant à moi pour ne pas faire trop long, je m'arrêterai là.