Robert et moi (2), nouvelle version
En ce début d'année scolaire, j'avais commencé à élargir mon spectre musical. Interne dans une institution religieuse, le matin nous étions sortis du sommeil par les voix venues d'outre Manche et d'outre Atlantique. Cela allait de Barry Ryan aux Bee Gees, en passant par The Equals, Arthur Brown, Desmond Dekker et autres Beach Boys. Pas de quoi m'arracher les oreilles mais je commençais à m'éloigner de Sheila et d'André Verchuren. Pour ce qui était de l'émancipation totale et définitive qui passait par l'achat en propre de disques, il me faudrait encore attendre comme j'attendais sur ce parking. J'attendais au milieu des autres mais rêvant des marges. Un des autres avait atteint cette marge. Il se distinguait de nous, les fadasses anonymes, par son allure faite d'une nonchalance suave que renforçait une chevelure qui avait fait sienne la liberté post-Woodstock. Il daignait nous côtoyer à condition que chacun de nous garde ses distances. Je ne connaissais personne qui ne désirât pas être son ami. Cette aura était renforcé par le fait qu'il avait un grand frère aux allures de Mick Jagger qui naviguait tout là-bas, en Seconde qui pour moi représentait Polytechnique en plus dur. Lecteur du New Musical Express, NME pour les connaisseurs, il prêtait ses disques à son petit frère qu'il mettait à l'abri dans une mallette en cuir couleur terre de Sienne. Et là, sur ce parking, alors que nous attendions encore le car, il s'apprêtait à ouvrir la malette.