Tirage en campagne

Loin des bruits devenus familiers et pourtant à proximité des autres corps qui bientôt reprendraient vie, cette vie des gestes de tous les jours qui se fondent dans les confusions du temps, j'allai m'extraire de ma moitié de lit quand mes yeux ne discernèrent que la nuit entre les interstices. Je différai donc mon extraction. Pour patienter, je pris patience et attendis que l'aube se manifeste. D'abord timidement puis avec de plus en plus d'assurance, elle apparut. Dans la persistance du silence domestique, mes pimpantes new balance jaunes aux pieds, je m'élançai, pour autant que je puisse m'élancer, à travers la campagne du pays basque à l'âpre déclivité. J'empruntai un parcours qu'un bioman qualifierait de circuit court mais d'une exigence certaine. Me pensant entouré de la solitude des premières lueurs, je me mouvais l'esprit léger lorsque je dus me rendre à l'évidence, je n'étais pas seul en ces lieux à l'humidité brumeuse. Un claquement que rapidement j'assimilai à un coup de fusil me le confirma. Un coup qui rapidement fut suivi de nombreux autres. Allais-je bientôt sentir le vent du boulet, les plombs allaient-ils souffler à mes oreilles? Continuant à courir comme si de rien n'était, je tentai de localiser les tireurs. Le regard acéré, je finis par discerner un crâne surmonté d'une casquette, une de ces casquettes à la visière martiale qui abrite l'ancestral instinct de survie, dernière scorie des temps reptiliens. Refoulant toute hésitation, je m'en approchais afin de signaler ma présence et de m'enquérir d'un éventuel danger auquel je pourrais être exposé. Me rendant mon salut, le chasseur, car il s'agissait bien d'un chasseur dissimulé dans une casemate, tenta de me rassurer en affirmant que je ne craignais rien, d'autant plus qu'ils, lui et ses congénères, ne chassaient pas le gros gibier mais que par mesure de sécurité il serait judicieux de baisser la tête. Sur ce, conscient de ma grande taille et de mon souhait de préserver mon intégrité, je m'engageai résolument sur le chemin du retour. Demain, j'irai nager.